Poésie maurrassienne

Publié le par Lux

 

 

Toi qui brilles enfoncée au plus tendre du coeur
Beauté fer éclatant, ne me sois que douceur
(Charles Maurras)




Martigues
Un court extrait des Nuits de Provence et deux poèmes au hasard :

« Ainsi, sous la tenture de cet air sombre, la campagne se soulevait avec moi : je la sentais monter comme si elle n’eût rien été que la suite de mon regard... Cette large nuit de printemps dut remuer quelques-unes des semences de poésie dont rien ne m’a plus délivré, probablement versa-t-elle un peu de raison... Le soleil est là-haut que nous ne créons pas, ni ses sœurs les étoiles. C’est à nous de régler au céleste cadran, comme au pas de nos idées-mères, la démarche de notre cœur et de notre corps ! Nous ne possédons qu’à la condition d’acquérir la notion de nos dépendances pour conserver un sens de la disproportion des distances de l’univers.
« Si, en présence de ce vaste éloignement, il nous était permis de nous contenter de nous-mêmes, ne serions-nous pas nos premières dupes ? Rien ne contente et ne rassasie que le ciel ! »


CORPS GLORIEUX

La rive est creusée en forme de lyre:
La Bouche du Port
Sur l'onde aplanie admet le navire
Où flottent nos Morts

Adouci, nimbé de tendres lumières
Leur visage est beau
Tel que l'ont pâli le vent des prières
Et l'air des tombeaux.

Mais qu'y reste-t-il des bonheurs du monde?
L'amitié, l'amour
Sont-ils repoussés dans la nuit profonde
Qu'y fait le vrai Jour?

Ou, comme l'implore un soupir au large
De l'immense mer,
Leur est-il laissé le souci, la charge,
L'honneur de la Chair?

S'il doit arriver un jour que la gloire
Éteinte des corps
Reprenne au bûcher de leur cendre noire
Son antique essor,

Si tout ce qu'émeut de tristesse amère
L'orbe évanescent
Des matins, des soirs, des nuits qu'enflammèrent
Les torches du sang,

Si les pas dansants, les rires, les grâces,
Désir et beauté,
Ce qu'ils font rêver, fragile et fugace,
De l'éternité,

D'une voix qui tinte aux longues mémoires
Le cristal et l'or,
La coupe des yeux qui nous firent boire
La vie et la mort,

L'arôme, le goût, le chant, les paroles,
Si tout leur revient,
Même un survivant que rien ne console
Gémira: - C'est bien.


LE MATIN QUI VIENDRA

Tu frissonnais au vent des roses qui s'élève,
Les Heures ont reçu l'étoile et le flambeau,
Voici le soir, la douce abondance des rêves:
Le matin qui viendra mûrisse le plus beau!

Le matin qui viendra te favorise, amis,
Et, quelque incertitude enveloppe nos cieux,
Dissipe en florissant sur ta joue endormie
Le maléfice errant de mon sort envieux!

Le matin qui viendra, nous le créeront ensemble
Si ton coeur et le mien demeurent vigilants,
Si ta main reste unie à cette main qui tremble,
Si ta beauté scintille entre tes voiles blancs;

Le radieux matin que cette nuit prépare
Déjà de ses bouquets en arceau suspendus
Fleurit ta belle porte et réjouit nos lares
Du simple souvenir des bonheurs attendus.




Il écrivit sur la fonction poétique :

« Il n’y a que le vers pour tenir dans ses griffes d’or l’appareil écroulé de la connaissance. Déjà personne ne peut plus considérer sans un certain souci notre fatras d’interminables écrits en prose.
Science, histoire, morale, controverse, roman, journaux, qui en fait la somme et le tour ? Un jour ou l’autre, de la terre ou du ciel, une brigade dévouée recevra la mission de trier ce qu’il faut disputer à l’oubli. Elle ne se composera que de poètes. Ils viendront, ils liront, ils prélèveront l’essentiel, ils le confieront à la Strophe ou à la Stance, au Tercet, au Distique ou au Vers, et, par cette arche salutaire qui allège et soulève tout, flottera, durera cette élite de vérités nouvelles qui doit s’incorporer à l’éducation, à la tradition, à la mémoire du sens commun libéré, tandis que le surplus des vieilles sagesses mort-nées achèvera de se dissoudre dans les ténèbres des caveaux où le poids de leur inertie les tire déjà.
Les peuples d’autrefois ne lisaient point parce qu’ils n’avaient point de livres. Les peuples d’aujourd’hui en ont tant de livres qu’ils ne lisent plus.
Vienne donc le poème et vienne le chant qui sauvent le bien et le beau du naufrage dans l’Océan de l’Illisible et dans la mer du Trépelu ! Ce n’est pas autrement que la Tragédie a sauvé l’énorme production romanesque du XVIIe siècle. »



22, chemin du ParadisLa maison natale de Charles Maurras au n°22 du Chemin du Paradis a été sauvée il y a quelques années par la municipalité communiste de Martigues qui, par sa juste préemption, a montré là une véritable ouverture d'esprit.
Un association locale de fidèles perpétue le souvenir du maître.

Passer à Martigues, se perdre vers Saint Rémy, aller aux Baux, remonter la Provence jusqu'à Aix par les petites routes, sont des parcours qui parlent si l'on veut percer la poétique de Maurras, faite de diamants de glace bleue comme les étoiles d'un ciel profond. L'enfant de l'Hellade est inimitable.

« J’ai gardé la poésie comme une prière qui empêche mon âme de se dessécher. »

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