CHAPITRE VIII - L'ENCHAÎNEMENT ET LA LEGENDE RÉVOLUTIONNAIRE (Leon Daudet)

Publié le par Lux

 

 

 

Au bout d'un siècle et demi, soit un peu plus de quatre générations, nous voyons plus nettement aujourd'hui ce fléau matériel, intellectuel et moral qu'a été la Révolution de 1789. Dans son remarquable ouvrage Chute de l'Ancien Régime, M. Edmond Soreau, au chapitre intitulé « Le Soleil Levant de la Terreur », écrit ceci : « Les Historiens font en général débuter la Terreur en 1793. Ils se trompent. La Terreur naît en juillet 1789. En 1793 et 1794 elle agonise. C'est alors son delirium tremens.» Rien de plus exact. Le projet de Prise de la Bastille hantait de longue date certains esprits, notamment celui du due d'Orléans, le futur Philippe-Égalité, qui, à la veille de la journée du 14 juillet, fixée pour l'assaut à la vieille prison, fit fabriquer par son serrurier, le sieur Faure, six cents piques portées au district des Filles-Saint-Thomas. Je cite textuellement M. Soreau (pages 208 et 209) :

 

« Enfin, l'enquête ouverte par le Châtelet sur les émeutes qui ont eu lieu à Versailles les 5 et 6 octobre 1789 révèle l'esprit terroriste régnant dès juillet, Peltier, trente ans, négociant, rue Neuve-des-Petits-Champs, dépose avoir entendu, en pleine Assemblée nationale, Barnave interroger : « Le sang « qui coule est-il donc si pur? »

 

« Giron de la Motte, trente-deux ans, capitaine à la suite, 18, rue Notre-Dame-des-Victoires, dépose avoir connu diverses motions faites au Palais-Royal. Les mêmes orateurs répètent chaque jour les mêmes choses.

 

« Louis-Poterne Antoine, vingt-sept ans, compagnon on chez le sieur Faure, serrurier dit duc d'Orléans, dépose avoir fabriqué, le 14 juillet, avec quelques autres, six cents piques. Ils les ont portées au district des Filles-Saint.- Thomas. Ils ont reçu un louis pour boire.

 

« Faure, cinquante ans, maître-serrurier, rue Saint- Georges, le 14 juillet, le district des Filles-Saint-Thomas lui a fait confectionner quelques piques.

 

« Malouet, quarante-neuf ans, intendant de la marine, député à l'Assemblée nationale, place de la Ville-l'Évêque, dépose que lui et ses amis politiques reçoivent des lettres anonymes, annonçant une mort prompte et violente à tout député qui défendrait l'autorité royale.

 

« Pépin, trente-quatre ans, colporteur, 211, rue des Vertus, a été blessé, le 12 juillet, place Louis XV Il a reçu un coup de feu et un coup de sabre. Il a été porté au Palais-Royal, pansé, entouré, montré et remontré. On lui a dit qu'il avait été frappé par les troupes.

 

« Dupuis, vingt-neuf ans, domestique du comte de Virient dépose que Tailleur, garçon vitrier, lui a dit avoir reçu, en juillet,  un louis au Palais-Royal pour aller à la Muette >reconnaître le camp établi par le prince de Lambesc.

 

« De Guilhermy, vingt-neuf ans, procureur du roi en la sénéchaussée et siège de Castelnaudary, député à l'Assemblée nationale, hôtel de Sicile, rue Richelieu, dépose avoir oui dire en août à MM. Malouest, Dufraisse et Maison-Neuve, députés d'Auvergne, que le jour où le roi vint à Paris, en juillet, déjeunant avec Coroller du Moustoir, celui-ci avoua être d'une espèce de comité qui avait entretenu correspondance avec les régiments pour les engager à la défection et que, pour soulever le peuple, si la Cour n'avait pas renvoyé Necker, on aurait mis le feu au Palais-Bourbon.

 

« Thierry de la Ville, trente-cinq ans, ci-devant capitaine à la 15e compagnie de Versailles, connaît les délégations envoyées par le Palais-Royal à l'Assemblée. Le due d'Orléans aurait effectué la neutralité.

 

« Les violences impunies, approuvées tacitement, annoncent la violence légale. »

 

Les grandes étapes de la Révolution vont du 14 juillet 1789 et des journées des 5 et 6 octobre à Versailles, jusqu'au 10 août 1792 et à l'attaque des Tuileries, puis à l'abdication de la monarchie et à la proclamation de la République. Le mois de septembre 1792 voit simultanément les massacres organisés par Danton et l'entrée en séance de la Convention. Le 21 janvier 1793, c'est l'assassinat « légal » de Louis XVI et, au mois d'octobre suivant, c'est celui de la reine. La dictature de Robespierre prend fin le 9 thermidor 1794. Entre temps Marat a été assassiné par Charlotte Corday le 13 juillet 1793 et la guerre étrangère a été décrétée par Brissot et les Girondins en 1792.

 

Après l'exécution du roi et de la reine, la Révolution s'était sentie sans but politique. C'est alors qu'elle devint sociale et s'attaqua, par la loi des suspects et les lois de Ventôse, à la lutte des pauvres et des riches, c'est-à-dire à la lutte de classes. Commencée dans le sang, cette période honteuse et tragique de notre Histoire devait se terminer dans le sang. Le régime des assemblées inaugura le règne de la gabegie, tel que l'a dépeint Albert Mathiez. Sur cette affreuse tragédie plane, auprès de celle du Comité de Salut publie, l'ombre du Comité de Sûreté générale, c'est-à-dire de la police politique.

 

La légende révolutionnaire a commencé par la prise de la Bastille représentée ainsi que le symbole de l'émancipation de la nation française plongée dans les fers par ses tyrans, les rois, qui, en réalité, l'avaient faite et sauvegardée. Cette affreuse journée a commencé en fait la série des assassinats publics dont il devait être fait, pendant six ans, un si grand usage, les uns opérés par la foule rendue à la sauvagerie de ses instincts, les autres consécutifs à des faux jugements rendus par des tribunaux d'exception, ou plus exactement à des abattoirs, que commandaient les maniaques de la tuerie et dont le représentant type fut Fouquier-Tinville. Un historien pour rire - mais pour rire  largement M. Seignobos, a prétendu que c'était le peuple français qui avait créé la France et fait d'elle, sous Louis XIV, la reine de la civilisation. Certes le peuple français a travaillé, d'un vaste labeur collectif à la vie matérielle de notre pays, à son agriculture, à son armée, à sa culture, à ses monuments, mais à la façon des matelots d'un navire que commandait et dirigeait, suivant les mêmes principes à travers les âges, le roi héréditaire. -Les masses populaires n'entendent rien à la politique, ignorent les leçons de l'Histoire et, si on leur remet le pouvoir, ne savent que le gaspiller et consommer en vagues besognes ou en discussions sans issue. La preuve à l'heure où j'écris en est faite. La prétendue souveraineté du suffrage universel n'aboutit qu'à des lois hagardes et bâclées, aussitôt oubliées que promulguées quand elles ne sont pas sapées, dès leur début, par l'amendement, ce fléau des assemblées législatives. Car l'amendement consiste à altérer, contrarier ou rétracter le principe que la loi vient de poser et les injonctions qu'elle vient d'émettre. Il dispense tant de catégories d'assujettis d'obéir à ladite loi, que celle- ci est, dès le début de son application, en partie vidée de sa substance et, comme telle, mûre pour la désuétude et l'oubli. Cette question fondamentale de l'amendement n'est jamais posée, - et pour cause - dans les assemblées dont elle démontre l'inefficacité. L'amendement, c'est la passoire par où s'écoule la loi.

 

La légende du 14 juillet, anéantie dans les faits par tous les historiens sérieux, donne cette journée comme une explosion spontanée de la colère populaire qu'animait l'esprit de justice. Rien de plus faux; elle fut organisée par le due d'Orléans, aidé de Choderlos de Laclos, qui, par la suite devint secrétaire des Jacobins et rédacteur en chef de leur journal. Celui qui devait s'encanailler en Philippe- Égalité disposait d'une énorme fortune, 'plusieurs millions de revenu et des recettes du Palais-Royal, bordels et tripots. Il avait eu la tête tournée par les acclamations de la populace à l'ouverture des États généraux. Il convoitait à la fois la reine et la couronne. Il avait, nous venons de le voir, commandé les piques destinées à promener les têtes du gouverneur de Launay, de Flesselles, de Foulon, Berthier et des autres victimes désignées. Lui et Laclos devaient, aux 5 et 6 octobre de la même année, reprendre leur criminelle besogne, avec la ruée à Versailles d'hommes de main travestis en tricoteuses et que conduisait la putain Terwagne, dite Théroigne de Méricourt, la fille à tout faire de l'émeute et la meurtrière de François Suleau, l'héroïque directeur des Actes des Apôtres. Ce furent encore ces deux misérables qui organisèrent, aux portes de Paris, des fausses famines destinées à soulever la population.

 

La démocratie d'après 70 a pris à son compte cette légende, l'a enseignée dans les écoles, inculquée aux pauvres enfants qu'elle abrutit et qu'elle empoisonne, en leur représentant la Révolution de 1789 comme la fin de la barbarie et le début d'une ère nouvelle, alors qu'elle fut barbare par excellence et demeure la source de tous nos maux.

 

Aux apologistes de la Révolution, censée étape du « progrès » humain, il n'y a que deux noms à répondre André Chénier, un de nos plus grands poètes, Lavoisier, un de nos plus grands savants, l'un et l'autre guillotinés par la Bête surgie dans les Droits de l'Homme. On connaît la réplique célèbre : «La République n'a pas besoin de savants. » Sans doute n'a-t-elle pas non plus besoin de poètes A coup sûr n'a-t-elle pas besoin de religieux ni de religieuses (voir le pamphlet de Diderot) ni de rien de ce qui fait l'honneur et, malgré ses vicissitudes, la pérennité d'un peuple et de son langage.

 

Qu'y avait-il dans la Bastille, dans les cachots de la Bastille au moment de son envahissement par une populace guidée : deux fous, disparus au cours de l'émeute, -et un filou faux-monnayeur. Toute la soirée un garçon boucher se promena, avec la tête sanglante du gouverneur de Launay, félicité par les copains. C'était là une espèce de rite, pratiqué de nouveau au 10 août, avec la tète de Mandat, chef des défenseurs des Tuileries, aux massacres de septembre, avec la tête de la princesse de Lamballe, tranchée sur une borne de la rue Pavée-au-Marais, conduite au Temple avec stations dans les cabarets et présentée à la fenêtre de Marie-Antoinette épouvantée. Après la décapitation rituelle on présentait à la foule les têtes des suppliciés et, si ceux-ci étaient de marque, le bourreau ou son aide les souffletait. Dans la dernière révolution espagnole, celle de 1936, on déterra des Carmélites, et on leur mit par dérision des cigarettes entre les maxillaires.

 

On sait qu'à la démolition de la Bastille il s'institua une vente de ses débris, considérés comme des amulettes. Les entrepreneurs durent faire ainsi une bonne opération. Ainsi se propagea la légende de la délivrance d'une tyrannie qui n'existait pas. Quant aux fameuses « lettres de cachet » nous en avons vu, depuis 1-880, assez d'exemples que ne justifiait en aucune façon la raison d'État. Je connais un père de famille qui a été envoyé en prison - il est vrai qu'il s'en évada - pour s'être permis de défendre la mémoire d'un de ses enfants, assassiné, à l'âge de quatorze ans et demi, par la police politique de la République. Ainsi l'exigeait le président du Conseil, ex-président de la République Poincaré, beau-frère de l'assassin, le policier Lannes.

 

La légende du 14 juillet ne s'est pas étendue au Tribunal révolutionnaire, création de Danton et que celui-ci maudit avant son exécution, d'ordre de Robespierre . La plaisanterie eût été un peu forte. M. Wallon a écrit, sur textes, l'Histoire complète du Tribunal révolutionnaire, ses effroyables séances, ses faux témoins, ses ignobles. jugements. Aucune réfutation n'était possible. Aucune n'a été tentée. En province des tribunaux analogues furent fondés et fonctionnèrent de façon identique. Là aussi la légende se tut. C'était ce qu'elle avait de mieux à faire. Ces tribunaux, souvent improvisés, arrêtaient les gens au petit bonheur, sur une simple dénonciation. Ce furent l'enfer des créanciers et le paradis des débiteurs.

 

Une autre légende révolutionnaire s'attacha au nom de Saint-Just, triumvir de la Terreur avec Couthon et Robespierre et guillotiné avec eux le 9 thermidor. Charles Nodier, en 1831, a fait réimprimer ses élucubrations dites « institutions » et caractérisé l'homme dans les termes suivants :

 

« Ressuscitez de sa tombe, je ne dis pas Rienzi je ne dis pas même un Gracque, ce ne serait pas encore cela, mais Agis ou Cléomène, et conduisez-le de primsault, comme dit Montaigne, à la tribune de la Convention nationale, sans avoir pris la précaution de lui taire secouer la poussière de Lacédémone, et de lui montrer le genre humain, vous aurez Saint-Just tout entier, c'est- à-dire un enfant extraordinairement précoce qui ne sait ce qu'il dit, un grand homme en espérance qui n'a pas le sens commun. ),

 

Voici maintenant quelques extraits de ces « institutions » délirantes et, par endroits, nettement comiques. Elles montrent à quel genre d'idéologues la France était alors livrée

 

« L e despotisme se trouve dans le pouvoir unique, et ne diminue que plus il y a d' institutions. Nos institutions sont composées de beaucoup de membres et les institutions sont en petit nombre" Il faudrait que nos institutions lussent en grand nombre et composées de peu de personnes...

 

« - Quiconque est magistrat n'est plus du peuple. Les autorités ne peuvent affecter aucun rang dans le peuple. Elles n'ont de rang que par rapport aux coupables et aux lois. Un citoyen vertueux doit être considéré plus qu'un magistrat... Lorsqu'on parle à un fonctionnaire. on ne doit pas dire citoyen; ce titre est au-dessus de lui.

 

« - Le gouvernement républicain a la vertu pour principe, sinon la terreur. Que veulent ceux qui ne veulent ni la vertu ni la terreur?...

 

« - Voici le but qu'il nous semble qu'on pourrait se proposer d'atteindre :

 

« 1° Rendre impossible la contrefaçon des monnaies; 2° asseoir équitablement les tributs sur tous les grains, sur tous les produits, par un moyen facile, sans fisc, sans agents nombreux; 3° lever tous les tributs en un seul jour sur toute la France; 4° proportionner la dépenses de l'État à la quantité de signes en circulation nécessaires aux affaires particulières; 5° empêcher tout le monde de resserrer les monnaies, de thésauriser et de négliger l'industrie pour vivre dans l'oisiveté; 6° rendre le signe inaliénable et l'étranger; 7° connaître invariablement la somme des profits faits dans une année; 8° donner à tous lu Français les moyens d'obtenir les premières nécessités de la vie, sans dépendre d'autre chose que des lois et sans dépendance mutuelle dans l'état civil.

 

« QUELQUES INSTITUTIONS CIVILES ET DURABLES

 

« La enfants appartiennent à leur mère jusqu'à l'âge de cinq ans, et elle la a nourris, et à la République ensuite jusqu'à la mort.

 

« La mère qui n'a point nourri son enfant a cessé d'être mère aux yeux de la Patrie. Elle et son époux doivent se représenter devant le magistrat pour y répéter leur engagement, ou leur union na plus d'effet civil.

 

« L'enfant, le citoyen appartiennent à la Patrie. L'instruction commune est nécessaire. La discipline de l'enfance est rigoureuse.

 

« On élève les enfants dans l'amour du silence et le mépris des rhéteurs. Ils sont formés au laconisme du langage...

 

« On ne peut frapper ni caresser les enfants. On leur apprend le bien, on les laisse à la nature.

 

« Celui qui frappe un enfant est banni. Les enfants sont vêtus de toile clans toutes les saisons. Ils couchent sur des nattes et dorment huit heures.

 

« Ils sont nourris en commun, et ne vivent que de racines, de fruits, de légumes, de laitage, de pain et d'eau...

 

« Tous les enfants conservent le même costume jusqu'à seize ans; depuis seize ans jusqu'à vingt et un ans, ils auront le costume d'ouvrier, depuis vingt et un ans jusqu'à vingt-six, celui de soldat, s'ils ne sont point magistrats.

 

« Ils ne peuvent prendre le costume des arts qu'après avoir traversé, aux yeux du peuple, un fleuve à la nage, le jour de la fête de la Jeunesse...

 

« Les filles sont élevées dans la maison maternelle. Dans les jours de tête, une vierge ne peut paraître en public, après dix ans, sans sa mère, son père ou son tuteur.

 

« DES AFFECTIONS - Tout homme âgé de vingt-cinq ans est tenu de déclarer dans le temple quels sont ses amis. Cette déclaration doit être renouvelée toits les ans pendant le mois de Ventôse.

 

« Si un homme quitte son ami, il est tenu d'en expliquer les motifs devant le peuple dans le temps, sur l'appel d'un citoyen ou du plus vieux; s'il refuse, il est banni...

 

« Si un homme commet un crime, ses amis sont bannis...

 

« Celui qui dit qu'il ne croit pas à l'amitié ou qui n'a point d'amis est banni.

 

« Un homme convaincu d'ingratitude est banni.

 

« DE LA COMMUNAUTE. L'homme et la femme qui s'aiment sont époux. S'ils n'ont point d'enfants., ils peuvent tenir leur engagement secret; mais si l'épouse devient grosse, ils sont tenus de déclarer aux Magistrats qu'ils sont époux...

 

« Les époux qui n'ont point eu d'enfants pendant les sept premières années de leur union et qui n'en ont point adopté, sont séparés par la loi et doivent se quitter.

 

« DE L''HEREDITE - L'hérédité est exclusive entre les parents directs. Les parents directs sont les aïeuls, le père et la mère, les enfants, le frère et la sur.

 

« Les parents indirects ne succèdent point.

 

« La République succède à ceux que meurent sans parents directs...

 

« Nul ne peut déshériter ni tester.

 

« DES CONTRATS. - Les contrats n'ont d'autres règles que la volonté des parties; ils ne peuvent engager les personnes.

 

« Nul ne peut contracter sans la présence de ses amis, ou le contrat est nul.

 

" Le même contrat ne petit engager plus de deux personnes; s'il en engage plus, il est nul.

 

« Tout contrat est signé par les parties et par les amis ou il est nul.

 

« Ce sont les amis qui reçoivent la contrats.

 

« Les procès sont vidés devant les amis des parties constitués arbitres.

 

« Celui qui perd son -procès est privé du droit de citoyen pendant un an.

 

« QUELQUES INSTITUTIONS PÉNALES. - Celui qui frappe quelqu'un est puni de trois mois de détention; si le sang a coulé, il est banni.

 

« Celui qui frappe une femme est banni.

 

« Celui qui a vu frapper un homme, une femme, et qui n'a point arrêté celui qui frappait, est puni d'un an de détention.

 

« L'ivresse sera punie; celui qui, étant ivre, aura dit ou commis le mal, sera banni.

 

« Les meurtriers seront vêtus de noir toute leur vie, et seront mis à mort s'ils quittent cet habit.

 

« QUELQUES INSTITUTIONS MORALES SUR LES FÊTES .- Le peuple français reconnaît l'Être suprême et l'immortalité de l'âme Les premiers jours de tous les mois sont consacrés à l'Éternel

 

« Tous les cultes sont également permis et privilégiés...

 

« Les temples publics sont ouverts à tous les cultes.

 

« Le prêtre d'aucun culte ne pourra paraître en public avec ses attributs, sous peine de bannissement.

 

« L'encens fumera jour et nuit dans les temples publics, et sera entretenu tour à tour, pendant vingt. quatre heures, par les vieillards âgés de soixante ans...

 

« Les lois générales sont proclamées solennellement dans les temples...

 

« Tous les ans, le 1er floréal, le peuple de chaque commune choisira, parmi ceux de la commune exclusivement et dans les temples, un jeune homme riche, vertueux et sans difformité, âgé de vingt et un ans accomplis et de moins de trente, qui choisira et épousera une vierge pauvre en mémoire de l'égalité humaine.

 

« Il y aura des lycées qui distribueront des prix d'éloquence.

 

« Le concours pour le prix d'éloquence n'aura jamais lieu par des discours d'apparat. Le prix d'éloquence sera donné au laconisme, à celui qui aura proféré une parole sublime dans un péril, qui par une harangue sage aura sauvé la Patrie, rappelé le peuple aux murs, rallié les soldats.

 

« DES VIEILLARDS, DES ASSEMBLÉES DANS LES TEMPLES ET DE LA CENSURE.- Les hommes qui auront toujours vécu sans reproche porteront une écharpe blanche à soixante ans. Ils se présenteront à cet effet dans le temple, le jour de la fête de la Vieillesse., au 1 . jugement de leurs concitoyens, et, si personne ne les accuse, ils prendront l'écharpe.

 

« Le respect de la vieillesse est un culte dans notre Patrie. Un homme revêtu circ;tu de l'écharpe blanche ne peut être condamné qu'à l'exil.

 

« Les vieillards qui portent l'écharpe blanche doivent censurer, dans les temples, la vie privée des fonctionnaires et des jeunes gens qui ont moins de vingt et un ans.

 

« Le plus vieux d'une commune est tenu de se montrer dans le temple toits les dix jours, et d'exprimer son opinion sur la conduite des fonctionnaires...

 

« Celui qui frapperait ou injurierait quelqu'un dans les temples serait puni de mort.

 

« QUELQUES INSTITUTIONS RURALES ET SOMPTUAIRES. - Tout propriétaire qui n'exerce point de métier, qui n'est point magistrat, qui a plus de vingt-cinq ans, est tenu de cultiver la terre jusqu'à cinquante ans.

 

« Tout propriétaire est tenu, sous peine d'être privé du droit de citoyen pendant Vannée, d'élever quatre moutons en raison de chaque arpent de terre qu'il possède.

 

« L'oisiveté est punie; l'industrie est protégée...

 

« Tout citoyen rendra compte tous les ans dans les temples de l'emploi de sa fortune...

 

« Il n'y a point de domesticité; celui qui travaille pour un citoyen est de sa famille et mange avec lui.

 

« Nul ne mangera de chair le troisième, le sixième, le neuvième jour des décades.

 

«Les enfants ne mangeront point de chair avant seize ans accomplis.

 

« Sinon dans les monnaies, l'or et l'argent sont interdits.

 

« DES MOEURS DE L'ARMEE. - Les camps sont interdits aux femmes sous peine de mort.

 

« Un soldat a le droit de porter une étoile d'or sur son vêtement à l'endroit où il a reçu des blessures ; ces étoiles lui seront données par la Patrie. S'il est mutilé ou s'il a été blessé au visage, il porte l'étoile sur le cur...

 

« Il faut entretenir, en temps de paix, huit cent mille hommes, répartis dans toutes les places...

 

« DES CENSEURS. - Il faut dans toute révolution un dictateur pour sauver l'État par la force, ou des censeurs pour le sauver par la vertu.

 

« Il faut créer des magistrats pour donner l'exemple des moeurs.

 

« Pourquoi le peuple, ne donne-t-il des mandats que pour exercer l'autorité ? S'il créait six millions de magistrats pour prêcher ou donner l'exemple de toutes les vertus, cela irait-il moins bien ?...

 

« La censure la plus sévère est exercée sur ceux qui sont employés dans le gouvernement.

 

« Il sera établi dans chaque district et dans chaque commune de la République, jusqu'à la paix, un censeur des fonctionnaires publics...

 

« Il est interdit aux censeurs de parler en public. La modestie et l'austérité sont leurs vertus. Ils sont inflexibles. Ils appellent les fonctionnaires pour leur demander compte de leur conduite ; ils dénoncent tout abus et toute injustice dans le gouvernement; ils ne peuvent rien atténuer ni pardonner...

 

 

 

 

 

« L'indemnité des censeurs est portée à six mille livres.

 

 

« DES GARANTIES. - Tout citoyen, quels que soient son âge et son sexe, qui n'aura aucune Jonction publique, a le droit d'accuser devant les tribunaux criminels un homme revêtit d'autorité qui s'est rendit coupable envers lui d'un acte arbitraire.

 

 

 

 

 

« Si l'homme revêtu d'autorité est convaincu, le bannissement est prononcé contre lui, et la mort s'il rentre sur le territoire.

 

 

« Si les tribunaux criminels refusent d'entendre le citoyen qui intentera plainte, il formera sa plainte devant le peuple, le jour de la fête de l'Être suprême ; et si la cause n'est point jugée trente jours après, le tribunal est puni par la loi...

 

 

 

 

 

« Si un député dit peuple est condamné, il doit choisir un exil hors de l'Europe, pour épargner au peuple l'image du supplice de ses représentants.

 

 

« DU DOMAINE PUBLIC.- Le domaine et les revenus publics se composent des impôts, des successions attribuées à la République et des biens nationaux.

 

 

 

 

 

« Il n'existera d'autres impôts que l'obligation civile de chaque citoyen âgé de vingt et un ans de remettre à un officier public, tous les ans, le dixième de don revenu et la quinzième du produit de son industrie.

 

 

« Le tableau des payements sera imprimé et a/fiché toute l'année.

 

 

 

 

 

« Le domaine public est établi pour réparer l'infortune des membres du corps social.

 

 

«Le domaine public est également établi pour soulager le peuple du poids des tributs dans les temps difficiles.

 

 

 

 

 

« La vertu, les bienfaits et le malheur donnent des droits à une indemnité sur le domaine public. Celui-là seul peut y prétendre qui s'est rendu recommandable à la patrie par son désintéressement, son courage, son humanité.

 

 

« La République indemnise les soldats mutilés, les vieillards qui ont porté les armes dans leur enfance, ceux qui ont nourri leur père et leur mère, ceux qui ont adopté des enfants, ceux qui ont plus de quatre enfants du même lit ; les époux vieux qui ne sont pas séparés ; les orphelins, les enfants abandonnés, les grands hommes ; ceux qui se sont sacrifiés pour l'amitié ; ceux qui ont perdu des troupeaux ; ceux qui ont été détruits par la guerre, par les orages. par les intempéries des saisons.

 

 

 

 

 

« Le domaine public solde l'éducation des enfants, fait clés avances aux jeunes époux, et s'afferme à ceux qui n'ont point de terres. »

 

 

On voit par là quelle étonnante araignée révolutionnaire nourrissait Saint-Just dans son plafond. Celle de Robespierre n'était pas de moindre taille, si l'on en juge d'après son « cathéchisme », écrit de sa main et retrouvé dans ses papiers, après son supplice :

 

 

 

 

« Quel est le but ? - L'exécution de la Constitution en faveur du peuple.

 

 

« Quels seront nos - ennemis ? - Les hommes vicieux et les riches.

 

 

 

 

 

« Quels moyens emploieront-ils ? La calomnie et l'hypocrisie.

 

 

« Quelles causes peuvent favoriser l'emploi de ces moyens ?L'ignorance des sans-culottes.

 

 

 

 

 

« Il faut donc éclairer le peuple. Mais quels sont les obstacles à l'instruction du peuple ? - Les écrivains mercenaires, qui l'égarent par des impostures journalières et impudentes.

 

 

« Que conclure de là ? - 1°Qu'il faut proscrire les écrivains comme les plus dangereux ennemis de la patrie ; 2°qu'il faut répandre de bons écrits avec profusion.

 

 

 

 

 

« Quels sont les autres obstacles à l'établissement de la liberté ? - La guerre étrangère et la guerre civile.

 

 

« Quels sont les moyens de terminer la guerre étrangère ? - De mettre des généraux républicains à la tête de nos armées et de punir ceux qui nous ont trahis.

 

 

 

 

 

 

Publié dans Histoire

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