In Memoriam Anne-Lorraine

Publié le par Lux

Anne-Lorraine : l'Autre Jeunesse

Dimanche 25 Novembre, une jeune étudiante en journalisme avait été retrouvée en fin de matinée, agonisante, dans une rame du RER D en gare de Creil, après avoir été frappée de nombreux coups de couteau par un délinquant sexuel. Celui-ci, récidiviste d'origine turque, avait déjà été condamné en 1996 à cinq ans de prison pour un viol commis sous la menace d'une arme sur la même ligne du RER.

Laurent Dandrieu, journaliste de Valeurs Actuelles, avait eu l'occasion de rencontrer Anne-Lorraine Schmitt lors d'un stage à la rédaction du journal. Il nous donne son témoignage qui mérite d'être reproduit dans sa totalité :

"Face à ce qu’a subi Anne-Lorraine, face à ce que subit encore sa famille, qui porte sa peine dans le silence, la pudeur et sans aucun doute l’espérance surnaturelle, les vociférations des jeunes de Villiers-le-Bel paraissent bien dérisoires. Loin de cette jeunesse sans foi ni loi qui ne cesse d’en appeler à ses droits mais ne veut entendre parler d’aucun devoir, qui exige le respect mais n’en témoigne pour rien ni pour personne, et pas même pour elle-même, il est une autre jeunesse, qui intéresse beaucoup moins les médias. Pourtant cette jeunesse ne se reconnaît pas, bien souvent, dans la société qu’on lui propose et dans les fausses valeurs qu’on lui offre en modèle, mais elle ne se réfugie pas pour autant dans la protestation agressive et geignarde, dans la provocation nihiliste. Elle préfère aux revendications le service, aux vociférations un discret engagement pour que le monde s’améliore. Elle ne brûle pas de voitures, elle les utilise pour des convois humanitaires. Elle ne pleurniche pas pour obtenir des gymnases qu’elle bombarde de cocktails molotov aussitôt construits, elle préfère organiser des pèlerinages ou des veillées de prière. Elle ne trompe pas son ennui avec des tournantes, mais manifeste pour défendre la vie ou va visiter des personnes âgées. Elle n’invective pas, elle se bat, paisiblement et sans haine, pour des convictions, pour que les valeurs chrétiennes et humanistes sur lesquelles s’est bâtie notre civilisation survivent. Anne-Lorraine était, jusqu’à dimanche, un membre anonyme de cette autre jeunesse. Parce qu’elle est morte pour avoir défendu sa pureté, parce qu’elle a résisté à l’ignominie avec un courage puisé dans sa foi, elle en est devenu l’honneur." 


témoignag de Gérard Gachet :

Elle s'appelait Anne-Lorraine Schmitt

Bien sûr, comme tout le monde, j'avais été choqué et ému dimanche, en entendant à la radio qu'une jeune étudiante en journalisme avait été retrouvée en fin de matinée, agonisante, dans une rame du RER D en gare de Creil, après avoir été frappée de nombreux coups de couteau. Et relativement soulagé d'apprendre, dès le lendemain, que son assassin, blessé au cours de l'agression, avait été arrêté avant de passer aux aveux. Mais le pire, pour moi, restait à venir.

Le pire, je l'ai appris hier après-midi. Le pire, c'est que je connaissais cette jeune fille, que j'avais eu le temps de juger et d'apprécier pendant les deux mois de stage qu'elle fit l'an dernier à Valeurs Actuelles, dont je dirigeais alors la rédaction. Elle s'appelait Anne-Lorraine Schmitt, avait 23 ans, et faisait partie de ces enfants qui semblent n'être nés que pour combler leurs parents de joie et de fierté. Aînée d'une fratrie de cinq garçons et filles, elle avait effectué une année de classe préparatoire à la Maison de la Légion d'Honneur de Saint-Denis avant d'être reçue à l'Institut d'Etudes Politiques de Lille, puis d'intégrer à l'automne 2006 le Celsa, l'excellente école des sciences de l'information et de la communication dépendant de la Sorbonne.

Durant son stage, elle avait frappé toute la rédaction par sa culture générale, sa maturité, son exigence vis-à-vis d'elle-même. Une exigence qui lui venait probablement de sa foi : profondément croyante, Anne-Lorraine s'était fortement engagée dans le mouvement scout. Ce qui ne l'empêchait nullement d'être une jeune fille de son temps, charmante, brillante et appréciée de tous.

Dimanche matin, ses parents l'attendaient sur le quai de la gare d'Orry-la-Ville pour aller en famille à la messe. Un délinquant sexuel récidiviste d'origine turque, déjà condamné en 1996 à cinq ans de prison pour un viol commis sous la menace d'une arme sur la même ligne du RER, aura donc brisé leurs vies en même temps que celle de leur fille. Mais Anne-Lorraine aura été courageuse jusqu'au bout : en se défendant, en empêchant son agresseur de parvenir à ses fins, elle aura réussi à le blesser en retournant son arme contre lui, ce qui devait permettre son arrestation ultérieure. En félicitant les enquêteurs de cette conclusion rapide, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, a assuré les proches d'Anne-Lorraine de sa profonde compassion.

Quelques heures plus tard, à quelques kilomètres de là, les jeunes Moushin (15 ans) et Larami (16 ans), conduisant à grande vitesse et sans casques une moto de cross non homologuée, se tuaient en percutant de plein fouet un véhicule de police en patrouille. Leur mort, on le sait, sert depuis deux jours de prétexte à l'embrasement de plusieurs communes du Val-d'Oise, avec tirs de chevrotines, de grenaille et de balles contre les forces de l'ordre (plus de quatre-vingts policiers blessés) et incendies de commissariats, d'écoles, de bibliothèques et de commerces.

Pour tenter d'apaiser les esprits, le chef de l'Etat pourrait recevoir ce mercredi les parents des deux jeunes morts de Villiers-le-Bel. Serait-ce trop lui demander que d'avoir aussi un geste fort vis-à-vis de la famille et des proches d'Anne-Lorraine ? Par exemple en étant représenté à un haut niveau - voire en se rendant lui-même, comme il sait le faire - aux obsèques de cette jeune fille exemplaire qui auront lieu samedi, à 14h, en la cathédrale de Senlis. Il serait juste, en effet, que les victimes innocentes aient droit dans ce pays à plus d'égards que des délinquants responsables de leur propre malheur.

par Frédéric Pons, Rédacteur en chef Monde | Société :

Bouleversé par le meurtre sauvage de notre chère Anne-Lorraine, 23 ans, cet ami m’a appelé : « On devrait manifester, brûler des mosquées turques... ». Je le comprends. Le meurtrier du RER D est un criminel sexuel récidiviste d’origine turque. Il était en liberté, malgré une précédente condamnation ! Faut-il brûler, manifester ? Laissons cela aux Turcs, aux Egyptiens, aux Indonésiens, aux Soudanais, aux Algériens qui martyrisent leurs compatriotes chrétiens et brûlent leurs églises. Laissons cela à nos voyous des cités barbares qui profitent en ce moment de l’impunité scandaleuse que leur offrent des années de laxisme et de démagogie. Oui, la mort atroce d’Anne-Lorraine est révoltante. A Valeurs Actuelles, nous sommes dans la peine : elle fut stagiaire chez nous. Dans la colère aussi. Une nouvelle fois la peine de mort a été appliquée par un loup qui n’aurait pas du se trouver en liberté. On sait pourtant que les délinquants sexuels sont très difficiles à réintégrer, voire impossibles. Le doute est toujours présent, les risques immenses. Mais dans le doute, qui faut-il privilégier ? Le criminel ou la future victime ? N’est-ce pas la responsabilité de la société – les politiques à défaut des juges - d éliminer ses éléments les plus dangereux ? La peine de mort est abolie, sauf pour les victimes innocentes. Il faudra faire le compte un jour des dégâts irréparables commis par tous ces malfaisants remis en liberté. Au nom de la courageuse Anne-Lorraine qui a résisté à son agresseur, réussissant à le blesser (ce qui a permis de l’arrêter), avant de mourir sous les coups. Quand ressortira-t-il de prison ce violeur au couteau ? 8, 10, 15 ans ? Notre société doit avoir le courage de l’éliminer définitivement de la circulation, lui et tous les tueurs et violeurs d’enfants. C’est sa responsabilité. Si elle ne le fait pas, des pères, des frères, des oncles le feront. Au nom de la légitime violence. Cela, je le comprendrais. Au nom d’Anne-Lorraine, jeune fille de France martyrisée, dont le sourire enthousiaste de cheftaine et d’étudiante en journalisme ne me quitte plus.

 
 

Au nom d'Anne-Lorraine, ma fille



Philippe Schmitt, père de l'étudiante poignardée le 25 novembre dans un RER au nord de Paris, a donné son témoignage à "La Croix"

«Avant le meurtre d’Anne-Lorraine, je me disais que ce genre de catastrophe, lorsqu’elle arrivait chez les autres familles, ne pouvait conduire qu’à un sentiment de révolte contre la société et contre Dieu. En réalité, j’ai été très peu dans ces dispositions. L’idée de faire moi-même justice m’a traversé l’esprit très brièvement, à l’annonce de la terrible nouvelle par le procureur le dimanche 25 novembre et alors que l’assassin n’était pas encore arrêté. C’est tout.

Il est vrai que nous nous sommes très vite retrouvés en famille, mon épouse, les deux sœurs et les deux frères d’Anne-Lorraine, et moi-même. Nous avons aussi été entourés par des amis dès le dimanche soir. Il y a eu ensuite les innombrables soutiens, qui se sont manifestés un peu partout et qui nous ont fait chaud au cœur. Enfin, lors de la messe des obsèques du samedi 1er décembre célébrée en la cathédrale de Senlis (Oise) par l’évêque de Beauvais, Mgr Jean-Paul James, nous étions à la fois portés et apaisés par les 1 500 personnes venues se recueillir avec nous, comme s’il s’agissait d’un moment de grâce. Portés et apaisés aussi par l’homélie du P. Stéphan Janssens, curé archiprêtre de la cathédrale.

Nous avons été touchés par l’immense réseau de solidarités dont nous avons été l’objet. Il était constitué des nombreux amis d’Anne-Lorraine : scouts, étudiants, anciens lycéens. Des personnes inconnues de nous nous ont aussi proposé leur aide. Des chaînes de prière se sont créées en de multiples endroits du pays. La dépouille de ma fille a été constamment veillée de jour comme de nuit, jusqu’aux funérailles, par toutes sortes de bénévoles se relayant. En dix jours, nous avons reçu à notre domicile 750 lettres et autant de messages de sympathie par courrier électronique. Cela nous a vraiment réconfortés, même si nous avons été heurtés par certains messages sur Internet mêlant au drame des allégations racistes ou une polémique sur l’attitude du gouvernement.

Je n’en veux pas à Dieu

Le résultat de cette mobilisation a fait que nous avons beaucoup pleuré, réfléchi, discuté, médité et prié en famille. Pour ma part, grâce à cela, je vis dans un climat de sérénité. Je n’en veux pas à Dieu. « Que ta volonté soit faite », dit-on en récitant le Notre Père. Il est dur de perdre un enfant et je ne veux pas interpréter cette parole, qui fait pour moi partie du mystère. Il n’empêche : je vois des signes de la volonté de Dieu dans cette extraordinaire solidarité.

J’ose aussi l’affirmer : je n’éprouve pas de haine envers l’auteur du meurtre, même si je n’en suis pas encore au stade du pardon. De même, je ne veux pas tirer de conclusions générales à partir de ce drame sur d’éventuelles dérives de notre société, car la délinquance sexuelle est peut-être un phénomène aujourd’hui moins caché qu’autrefois. En revanche, il est sûr que j’en veux à un système judiciaire qui, à mon sens, favorise la récidive dans ce domaine.

La question du devenir des criminels et délinquants sexuels fait désormais partie de mes préoccupations majeures : en intention, je l’ai promis à Anne-Lorraine. C’est, pour moi, la façon de poursuivre son combat. Elle a refusé de se soumettre en se débattant contre son agresseur, qui était armé d’un couteau, et elle a permis son arrestation en le blessant. Elle en a perdu la vie et sa mort est, en quelque sorte, un sacrifice.

Les délinquants sexuels doivent rester en prison

Je pense que les délinquants sexuels doivent rester en prison. La première affaire, celle d’un viol, dans laquelle le meurtrier présumé d’Anne-Lorraine a été impliqué, a, à mon avis, été traitée à la légère. Le principe de précaution, que l’on invoque si facilement sur le plan sanitaire ou environnemental, devrait s’appliquer aussi en l’espèce. Il s’agit, en effet, de sauver des vies. C’est une approche pragmatique, pas idéologique.

J’ai décidé d’apporter mon soutien aux associations de victimes et d’interpeller avec force les parlementaires. Une loi faisant l’unanimité doit être possible sur un tel sujet. La solution au problème dépasse le clivage gauche-droite et je trouve qu’elle a trop tardé. C’est une question que je prends très au sérieux. Je veux profiter de l’élan de solidarité et de l’intérêt médiatique que l’assassinat d’Anne-Lorraine a suscités pour faire avancer les choses. Sinon, cela recommencera pour d’autres jeunes filles ou jeunes femmes. »

Recueilli par Antoine FOUCHET






Publié dans Actualité nationale

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